
Entre autres mesures, la Loi relative à la lutte contre la fraude vient étendre la procédure de flagrance fiscale, permettre l’utilisation du « plaider coupable » et des conventions judiciaires d’intérêt public, mettre un terme au verrou de Bercy et permettre l’utilisation de la transaction même en cas de dépôt de plainte…
Lutte contre la fraude : extension de la procédure de flagrance fiscale
Jusqu’à présent, la procédure de flagrance fiscale ne pouvait être utilisée que pour constater les manquements des contribuables en matière de TVA.
Depuis le 25 octobre 2018, cette procédure peut être utilisée pour les principaux impôts : impôt sur le revenu (IR), impôt sur les sociétés (IS) et prélèvement à la source (PAS).
Désormais, les agents de l’administration ayant au moins le grade de contrôleur peuvent dresser un procès-verbal de flagrance fiscale, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement, dès lors qu’ils constatent :
- l’exercice d’une activité que le contribuable n’a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s’il a satisfait, au titre d’une période antérieure, à l’une de ses obligations fiscales déclaratives ;
- l’absence du respect d’au moins 2 des obligations déclaratives prévues en matière de PAS, d’IR, d’IS ou de TVA, au titre de la dernière période échue ;
- l’absence réitérée du respect d’au moins une des obligations déclaratives prévues déclaratives prévues en matière de PAS, d’IR, d’IS ou de TVA durant les deux dernières périodes échues.
Si l’agent décide d’établir un procès-verbal (PV) de flagrance, ce dernier devra être signé par l’agent lui-même, ainsi que par le contribuable ou son représentant, ou la personne recevant l’agent en question. Il s’agit d’une nouveauté puisqu’auparavant, la présence du contribuable était impérative au moment de la remise du PV de flagrance.
Notez que le contribuable dispose désormais d’un délai de 15 jours à compter de la réception du PV de flagrance, pour contester la régularité de la procédure (contre 8 jours auparavant).
Enfin, retenez que la procédure de flagrance fiscale peut être utilisée non seulement dans le cadre de l’exercice du droit de visite et de saisie, du contrôle de la TVA des personnes placées sous le régime simplifié d’imposition, du droit d’enquête, de la vérification sur place de la TVA , du contrôle inopiné, mais aussi, depuis le 25 octobre 2018, dans le cadre d’un contrôle portant sur le respect des règles de l’épargne réglementée et du seuil de paiement en espèces
Lutte contre la fraude : application du « plaider coupable » et des CJIP
Parmi les nouveautés mises en place par la Loi relative à la lutte contre la fraude on retrouve la possibilité, depuis le 25 octobre 2018, d’appliquer la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (dite « plaider coupable ») à la matière fiscale.
Schématiquement, cette procédure permet à un contrevenant d’obtenir une réduction de peine dès lors qu’il reconnaît expressément avoir commis l’infraction qui lui est reprochée.
Quant à la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), il était auparavant possible de l’utiliser uniquement pour les délits de blanchiment de fraude fiscale.
Pour mémoire, la CJIP est une procédure transactionnelle (inspirée de ce qui se fait aux USA) qui permet à un officier de police judiciaire de transiger directement avec l’auteur de l’infraction, sous réserve d’avoir obtenu l’accord préalable du Procureur de la République. Il n’est possible de conclure ce type de convention qu’avant le déclenchement de l’action publique.
Depuis le 25 octobre 2018, la CJIP pourra être utilisée plus généralement pour les délits de fraude fiscale, leur blanchiment et les infractions connexes, sous réserve toujours que l’action publique n’ait pas été engagée.
Lutte contre la fraude : une transaction possible, même en cas de plainte !
Avant le 25 octobre 2018, l’administration ne pouvait pas proposer de transaction financière aux contribuables dès lors que ce dernier avait usé de manœuvres dilatoires (c’est-à-dire de manœuvres destinées à gagner du temps) afin de nuire au bon déroulement du contrôle, ou lorsqu’une plainte pénale avait été déposée.
Dorénavant, l’administration pourra proposer une transaction financière au contribuable et ce, même en cas de dépôt d’une plainte au pénal.
Lutte contre la fraude : fin du verrou de Bercy
Nouveauté particulièrement médiatisée de la Loi relative à la lutte contre la fraude : la fin du verrou de Bercy.
Pour mémoire, le verrou de Bercy servait à désigner le fait que seule l’administration pouvait être à l’initiative des poursuites pénales en matière de fraude fiscale en choisissant de transmettre (ou non) son dossier au Procureur de la République, après avis de la commission des infractions fiscales.
Si elle décidait de ne pas transmettre son dossier, le Procureur ne pouvait pas d’autorité engager de poursuites pénales à l’encontre du contribuable défaillant.
Première nouveauté, pour les propositions de rectification transmises à compter du 25 octobre 2018, les agents des finances publiques sont déliés du secret professionnel à l’égard du procureur de la République avec lequel ils peuvent échanger des informations couvertes par ce secret indépendamment de l’existence d’une plainte ou d’une dénonciation. Ce qui laisse donc la possibilité au Parquet de se saisir volontairement d’un dossier…
Toujours depuis le 25 octobre 2018, en plus des dépôts de plainte dont elle prend l’initiative, et qui sont toujours soumis à l’avis de la commission des infractions fiscales dans les conditions habituellement applicables, pour les contrôles ayant abouti à des rehaussement d’un montant supérieur à 100 000 €, l’administration est désormais dans l’obligation de dénoncer au Procureur de la République (sans intervention de la commission) les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle, et qui ont conduit à l’application :
- soit de la majoration de 100 % prévue en matière d’opposition à contrôle fiscal ;
- soit de la majoration de 80 % prévue en matière de défaut, retard ou insuffisance de déclaration ;
- soit de la majoration de 40 % également prévue en matière de défaut, retard ou insuffisance de déclaration, lorsqu’au cours des 6 années civiles précédant son application le contribuable a déjà supporté la majoration de 100 %, 80 % ou 40 % à l’occasion d’un précédent contrôle, ou lorsqu’il a fait l’objet d’une plainte de l’administration.
Retenez que cette obligation de dénonciation ne s’applique pas aux contribuables qui ont spontanément déposé une déclaration rectificative.
Les plaintes (qu’elles soient transmises volontairement ou obligatoirement par l’administration) peuvent être déposées par l’administration fiscale sans qu’il y ait lieu de mettre, au préalable, le contribuable en demeure de régulariser sa situation.
Source : Loi n°2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (articles 12, 24, 25, 36 et 37)
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